La
fabrication de foin au Sahel et en Savane en Afrique de
l'Ouest et Centrale
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SOMMAIRE
I) L'idée et la nécessité
du foin
II) La proposition et l'enracinement du foin chez les éleveurs
III) La pratique du foin
IV) L'utilisation du foin
V) L'importance de la vulgarisation de l'idée du foin pour
le développement socio-économique du Sahel
I) L'idée et la nécessité
du foin
Le Sahel et la Savane en Afrique
de l'Ouest connaissent une saison de pluies qui dure de juin
à octobre. Durant ces 5 mois l'herbe verte peut être disponible.
Les animaux qui la consomment sont relativement productifs
par rapport à leur potentiel génétique. Mais dès novembre
l'herbe devient de la paille (sans vie) et les animaux n'ont
que cette paille pour s'alimenter jusqu'en juin. Cette période
morte est celle qui grève les productions des animaux et même
leur survivance. Cela a toujours existé et l'idée de récolter
l'herbe verte nutritive, de l'apprêter pour la conserver tout
en lui préservant ses vertus nutritives, ne s'est pas installée
au Sahel et en Savane.
Quelques techniciens européens l'ont tenté bien avant les
indépendances mais leurs tentatives sont restées confinés
dans les stations de recherches et fermes pilotes. Ils n'avaient
pas maîtrisé la manière de transmettre le message de sorte
qu'il soit bien reçu et mis en pratique.
Mais les sécheresses de 1973 et 1984 ont modifié l'élevage
et les mentalités des éleveurs traditionnels. Quelques-uns
sont devenus plus ouverts, plus réceptifs, plus désireux d'enrichir
leurs pratiques de l'élevage.
C'est à la circonstance des effets cumulés des sécheresses
de 73 et de 1984 que l'idée de faire du foin est remontée
dans les consciences et a été tentée à une large échelle et
directement avec des éleveurs pratiquants. L'idée s'est depuis
imposée comme une évidence et comme une nécessité. Il est
devenu évident qu'au moment où l'herbe est la plus nutritive
et la plus abondante, il faut la récolter à la plus grande
quantité possible, la traiter par le séchage direct par le
soleil et la stocker là où elle conserve l'essentiel de ses
qualités nutritives.
II) La proposition et l'enracinement
du foin chez les éleveurs
La proposition de produire du
foin a été faite aux éleveurs en rapport direct avec l'objectif
constant de tout éleveur : avoir du lait tous les jours et
un troupeau qui se multiplie bien et qui grandit. Le lait
nourrit, soigne, modère, solidarise, énergétise, enrichit
et honore. Les naissances sont toujours des moments de joie,
d'émerveillements, d'espérance. Le lait comme base quotidienne
et les naissances régulières, constituent deux facteurs certaines
de vie heureuse et d'évolution réussie. Les éleveurs connaissent
bien tout cela et lorsqu'on leur a expliqué que le foin engendrait
du lait tous les jours toute l'année et des naissances régulières,
ils ont accepté de tenter cette opération sans dérobade. Le
suivi qui a été mis en place pour les soutenir a permis d'obtenir
en deux ans des résultats très convaincants…
Bien qu'ayant vite compris l'idée,
les éleveurs se sont posées au moins quatre grandes questions
:
1) Si tout le monde se
met à faucher de l'herbe pour en faire du foin est ce qu'il
restera au bout de quelques années, assez de semences pour
pousser en herbes ?
2) Est-ce que l'on peut faucher pour nourrir 100 animaux
?
3) Comment faire pour protéger l'herbe du broutage
et du piétinement des animaux et pouvoir la faucher avec de
bons rendements ?
4) Est-ce que l'on pourra vendre du lait si tout le
monde en produit toute l'année ?
A ces 4 questions, les réponses
ci après ont été données.
Reproduction des semences
et régénération des pâturages
- Il y a des gisements inépuisables
de semences d'herbes dans la terre et des fauches répétées
en un lieu n'empêchent pas le même sol de se recouvrir d'abondantes
herbes les années suivantes.
- Il y a aussi que le vent d'une part, le ruissellement des
eaux d'autre part sont des pourvoyeurs réguliers de semences
d'herbes.
- Les animaux par leurs déjections, approvisionnent les sols
en semences herbagères.
- Il y a aussi la possibilité de laisser des bandes d'herbes
non-fauchées pour qu'elles fructifient et déposent leurs fruits.
- Enfin, si tout cela ne suffit pas, on peut récolter des
semences fourragères et les ensemencer à la volée, en poquets
ou en raies sur le terrain choisi, immédiatement après la
première bonne pluie d'hivernage.
Production de foin en grande
quantité
Nourrir 100 animaux avec le foin
est possible. Il y a 4 facteurs à posséder et à maîtriser
:
- Un espace riche et étendu
permettant de produire des herbes qui donneraient un bon rendement
en foin.
- Un instrument de fauche rapide et performant. Pour une centaine
d'animaux, 10 faucheurs avec leurs faux et une motofaucheuse
peuvent récolter de quoi suffire à leur alimentation en saison
sèche.
- Un instrument de transport rapide et pouvant porter de grands
volumes. La charrette hippomobile à 4 roues est tout à fait
appropriée. Mais en attendant son acquisition, des enfants
en grand nombre et rendus joyeux par des cadeaux (bonbons)
peuvent être très efficaces, et cela constitue une éducation
précoce pour eux pour cette pratique.
- Une infrastructure de stockage qui met ce foin à l'abri
des intempéries (soleil, vents, poussières et pluies…) et
des prédateurs (animaux, insectes, etc…).
Protection des cultures par
la haie vive
Pour que l'herbe ne soit pas
endommagée et gênée dans sa croissance par le broutage et
le piétinement des animaux, il faut la protéger. Cela est
possible avec du grillage, du bois mort ou une haie vive qui,
parmi ces alternatives, est la plus avantageuse. L'arbuste
Ziziphus spinachristi est le plus indiqué. Ses fruits sont
délicieux pour les humains et les petits ruminants. Ses branches
flexibles et épineuses s'entrelacent bien pour constituer
une sorte de maille qui arrêtent les animaux. Sa germination
est très facile et sa croissance est très rapide, en 2-3 ans
il est déjà assez grand pour constituer une barrière. C'est
en plus un arbuste reconnu par le christianisme , l'islam,
et certaines pratiques culturelles en Afrique comme symbolisant
la limite, la barrière.
Commercialisation de produits
laitiers
Si les éleveurs produisent tous
du lait et toute l'année, l'écoulement de ce lait se fera
par sa transformation dans des laiteries et fromageries régionales.
Les villes sont partout dans le monde des consommateurs insatiables
de lait et de produits laitiers. Un pays comme le Nigeria
peut consommer à lui seul toutes les productions des pays
du Sahel du Sénégal au Tchad. Avec une production régulière
et importante de lait, les éleveurs sont dans la meilleure
position pour ne pas être affamés, ne pas être pauvre, ne
pas être malade, ne pas être déméritants, ne pas être dépendants.
III) La pratique du foin
1) L'acteur
Celui qui produit du foin est
une personne qui a de la perspective, qui anticipe, qui a
le sens de la continuité, de la régularité, de la constance.
Avec ces qualités, une personne peut facilement se développer
et développer d'autres. La pratique du foin est un révélateur
du caractère des individus et de leur potentiel plus ou moins
fort à se développer. Pour être un bon travailleur, il lui
faut :
-Connaître pour pouvoir agir
-Savoir observer pour connaître mieux et davantage
-Etre travailleur pour concrétiser
-Etre calme pour supprimer toute agressivité
-Etre rigoureux, persévérant pour tout surmonter
-Etre appliqué, soigné, fin pour tout qualifier
-Aimer son travail dans ses différents embranchements pour
tout imprégner de bienveillance, s'y plaire et s'y maintenir.
C'est à l'occasion des formations
que l'éleveur prends conscience et connaissance de cela. Ces
qualités de travail sont donc nécessaires pour toute entreprise
que l'on veut installer ou faire progresser.
2) Le terrain à foin
Le terrain pour produire du foin
doit être choisi avec beaucoup de soin de sorte à amortir
et réguler tous les débordements et toutes les pénuries agroclimatiques.
Le terrain doit partir au moins du centre d'un bas-fonds de
ruissellement des eaux et s'étendre perpendiculairement à
ce bas-fonds jusqu'aux parties hautes. Ceci a l'avantage de
garantir toujours une production sur les parties hautes quand
il pleut trop, sur les bas-fonds lorsque les pluies sont insuffisantes
et irrégulières. Le deuxième avantage est que les herbes sont
diversifiées, celles qui poussent dans les bas-fonds sont
différentes de celles qui poussent en hauteur. L'étagement
du terrain du bas-fonds vers la crête permet donc d'avoir
différentes espèces fourragères. Le troisième avantage est
que ces différentes variétés d'herbe sont bonnes à faucher
à des périodes différentes, ce qui allonge le temps de fauche
en le répartissant sur 30 à 60 jours selon les terrains et
les variétés d'herbes qui y poussent.
Le terrain doit être préparé pour donner aux herbes les meilleures
conditions pour se développer et aussi pour faciliter et bien
rentabiliser la fauche. Il faut donc :
-Délimiter et piqueter la parcelle
· Défricher et désoucher en ne conservant que les grands arbres
( fruitiers ou qui ont une autre utilité) s'ils existent
-Enlever tous les cailloux, les souches et les troncs d'arbres
· Clôturer avec les branchages des arbres de défrichement
-En faire un lieu de séjour nocturne des animaux afin qu'ils
y déposent leurs déjections qui sont une très bonne fumure
-Dès la première bonne pluie, épandre à la volée les semences
d'herbes qu'on aimerait faucher. Il faut auparavant les avoir
ramassées dès après leur fructification.
3) Les herbes à faucher
Les déclarations des éleveurs,
les analyses bromatologiques et les effets des foins sur les
animaux qui les ont consommé s'accordent sur les herbes ci-après
comme les meilleures :
Noms scientifiques
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Noms en fulfulde
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Panicum laetum
Brachiaria ramosa
Cenchrus biflorus
Penisetum pedicelatum
Rottbella exaltata
Ipomea vagans
Dactyloctenium aegyptium Andropogon gayanus
Alysicarpus ovalifolius
Alysicarpus glumaceus
Zornia glochidiata
Penisetum typhoïdes (mil) Echinochloa stagnina
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Pagguri
Farduko
Kebbe
Bogodollo
Niele
Layndi
Burgel
Dayye
Sinkaare
Bunndiya
Dengeere
Gawri
Burgu
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Il y a des herbes qui sont vivaces
et qui se prêtent aux cultures fourragères. Les plus réussies
dans la pratique généralisée des cultures fourragères par
les membres de l'APESS sont le siratro (Macroptilium atropurpureum)
et l'Andropogon gayanus.
SUITE
ET FIN
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