La
fabrication du foin
(suite et fin) |
4) Les instruments de la fauche et du foin
Le fait que la main d'œuvre est peu coûteuse
(lorsqu'elle existe) invite à utiliser la faux pour la récolte
de l'herbe pour les foins. En multipliant les faucheurs, on
peut obtenir de très grandes quantités de foin si l'espace
à faucher est vaste, bien préparé et bien fourni en herbes.
Pour rassembler le foin, le râteau est indiqué et pour le
charger sur la charrette, la fourche convient tout à fait.
Pour le transport du foin des lieux de ramassage
aux lieux de stockage, une charrette volumineuse et stable
tirée par un cheval est le meilleur instrument. A défaut de
cela, le recours à des enfants encouragés par de petits cadeaux
peut apporter une solution à la fois économique et éducative.
L'aspect fondamental à exiger pour les instruments est qu'ils
obligent à travailler dressé et en extension maximale. Pour
de grandes entreprises agricoles, la moto faucheuse peut remplacer
les faux.
5) Les infrastructures de stockage de foin
Plusieurs variétés d'infrastructures sont
possibles. L'APESS recommande le hangar étanche à double pente
ayant 8 m de long, 4 m de large, 3.5 m de hauteur centrale
et 1.70 m de hauteur latérale. Les piliers peuvent être en
bois ou en briques de terre. Les côtés peuvent être garnis
de seccos (nattes) de paille ou de murs en briques de terre.
La toiture est recouverte de seccos et de chaumes qui assurent
son étanchéité. L'infrastructure doit dans tous les cas se
prêter à des mouvements amples en son intérieur pour ne pas
limiter le potentiel de travail de l'éleveur.
6) Les moments de la fauche
Dans la journée, il faudrait commencer très
tôt quand la rosée tient et alourdit un peu les herbes. On
fauche jusqu'à midi au plus tard. On arrête la fauche et vers
14 heures, on retourne les herbes fauchées de sorte qu'elles
soient asséchées par tous les côtés. Vers 16 heures, on commence
à ramasser les premières herbes fauchées pour les rentrer
à la grange (hangar APESS). Il ne faut pas les attacher en
bottes, car elles pourraient être envahies par les moisissures.
Dans l'année, la fauche commence après la période des pluies
fines et répétées plusieurs fois par jour. Au Sahel, cette
période se situe autour du 15 août en année normale de saison
des pluies. Pour ceux qui savent les lire, les étoiles aussi
indiquent bien nettement la période convenable. Avec le mûrissement
étagé des herbes, la fauche peut se poursuivre jusqu'au 15
octobre soit près de 60 jours après son démarrage.
7) La pratique de la fauche
Il faut disposer d'une faux, d'une pierre
à affûter et d'un récipient contenant de l'eau dans laquelle
on trempe la pierre à affûter. On fixe bien la lame de la
faux en vérifiant si l'angle de coupe est à l'optimum. On
affûte alors la faux. Avant de faucher, il faut vérifier qu'il
n'y a ni cailloux, ni bois, ni souches d'arbres sur le parcours
à faucher.
On fauche par un mouvement de rotation du tronc dont le rayon
reste constant entre le moment où la lame touche les herbes
et celui où le mouvement s'arrête. On prend de petites épaisseurs
d'herbes et on avance pas à pas jusqu'à la fin de la parcelle.
Cette méthode permet de faucher des bandes régulières et l'herbe
peut être ramassée facilement en suivant les bandes plus tard
avec la charrette. Lorsqu'on est fatigué, ou lorsque la lame
ne coupe plus bien, il faut s'arrêter et affûter la lame.
8) Rendements
Ils dépendent de la nature des herbes (certaines
sont moins hautes et moins denses), de la richesse du terrain
qui conditionne la biomasse, de l'habileté et de la résistance
du faucheur et enfin de la qualité de la faux. Avec tout cela
inclus, les mesures de rendement faites donnent la valeur
moyenne de 150 à 200 kg de foin.
IV) L'utilisation du foin
Le foin est destiné à nourrir les animaux
en saison sèche quand l'herbe est devenue paille morte. Il
est logique, aussi, de donner aux animaux les plus valorisateurs
de ce foin. Avec le lait, le fumier et l'énergie, l'espèce
bovine est de loin la plus indiquée suivie de près par les
chevaux. Dans l'espèce bovine, les femelles en lactation sont
les plus intéressantes. Elles donnent du lait, beaucoup de
fumier, sauvent et font grandir leurs veaux pendant la saison
sèche grâce au lait.
Les veaux encore jeunes ainsi que les animaux
malades constituent la deuxième priorité d'animaux pouvant
bénéficier du foin. Le foin est à servir à ces animaux le
matin et le soir pour les vaches lactantes dès que leur production
baisse et pour les animaux malades à l'instant même ou la
maladie s'est manifestée. Quant aux jeunes ils peuvent recevoir
le foin dès qu'ils sont en âge de le consommer.
Le meilleur endroit pour distribuer le foin
aux animaux est l'aire des champs de cultures. Là les animaux
sont à l'aise (espace vaste et propre ) et y déposent leurs
déjections (bouses et urines) qui fertilisent à peu de frais
ces champs.
Les quantités à servir se déterminent normalement
par les animaux eux-mêmes en fonction de leurs besoins. Mais
le plus souvent le foin est en quantités limitées et doit
être fortement rationné. Les pratiques courantes qui ont donné
de bons résultats (en lait, saillies et embonpoint) sont de
l'ordre de 3 à 4 kg de foin par jour par vache adulte. Cette
quantité correspond à un complément car l'animal va au pâturage
et y trouve de la paille et peut aussi parfois recevoir du
tourteau ou des graines de coton. La distribution du foin
aux animaux a donné des résultats ci-après (données de l'APESS).
-Augmentation de la production de lait :
de l'ordre de 30 à 60 % par rapport à la production sans distribution
de foin.
-Augmentation de volume du fumier qui atteint au moins 50
% du volume de saison de pluies.
-Reprises des saillies des femelles 3 semaines après la distribution
du foin pour au moins 80 % des femelles qui ont reçu le foin.
Le foin s'utilise aussi comme produit à vendre. Au Sahel c'est
même le produit végétal le plus recherché et le plus enrichissant,
il devrait être considéré comme produit de rente par excellence.
En Savane aussi, du fait de la lignification importante des
herbes, le foin peut revêtir une très grande valeur. Il faudrait
par conséquent développer d'importantes actions pour répandre
cette pratique dans les régions soudaniennes.
V) L'importance de la vulgarisation
de l'idée du foin pour le développement socio-économique du
Sahel
Aujourd'hui, l'APESS est fière d'avoir initié
en Afrique de l'Ouest la pratique de la production de foin
sur une grande échelle. Car les bienfaits de l'herbe sont
multiples et susceptibles d'influencer de façon significative
le développement. Ils se résument comme suit :
L'herbe assure au sol une couverture efficace
contre les vents et les ruissellements érosifs ainsi que les
rayons solaires calcinants, et elle peut servir en tant que
fumure organique (surtout quand il s'agit de légumineuses).
L'herbe transformée en foin et utilisée pour nourrir des animaux
laitiers permet aux producteurs et productrices d'obtenir
:
-du lait tous les jours qui assure à ses usagers nourriture,
santé, force de travail, modération, honorabilité, solidarité
et argent
-du fumier tous les jours qui fertilise la terre et la rend
productive en continuité
-de l'énergie pour le travail avec surtout le cheval, le bœuf
et le dromadaire
-avec cette énergie non polluante et renouvelable justement
par le foin on a le pouvoir de mobiliser de l'eau en grande
quantité et en continuité
-des petits une fois par an pour les grands herbivores et
deux fois par an pour les petits ruminants
-avec tous ces éléments, on peut pratiquer l'agriculture pendant
toute l'année dans la perspective de réaliser à bon compte
la sécurité alimentaire, l'augmentation de revenus monétaires
et la baisse, voire la suppression de la migration et de l'exode
rural.
Ainsi le succès et les expériences de l'APESS
dans la vulgarisation de l'idée de la production fourragère
ouvrent de nouvelles perspectives et un nouvel espoir pour
la région du Sahel. Le Sahel n'est pas une région pauvre,
mais une région de potentiel économique mal traité et maltraité.
Les difficultés écologiques, climatiques et
démographiques qui sous-tendent les problèmes actuels et qui
sont, selon les experts, les facteurs principaux du blocage
du développement ne le sont réellement qu'au second plan.
Elles sont surmontables si les producteurs et productrices
ruraux ont l'audace, la volonté ferme, les connaissances utiles
et l'encouragement de la part de la politique et de l'administration
pour faire valoir le potentiel du Sahel et de la savane.
Les expériences de l'APESS montrent qu'il
est possible de faire quelque chose si on applique des stratégies
susceptibles d'enthousiasmer les producteurs et productrices
ruraux pour une idée et de susciter en eux l'espoir et l'ambition.
Si elle est impliquée dans une telle stratégie réfléchie et
bien organisée, la simple production de foin peut se révéler
en tant que catalyseur ou activité initiatrice d'une nouvelle
ère de développement.
Source:
APESS : Association pour la Promotion
de l'Elevage au Sahel et en Savane Boubacar Sadou Ly
Contact:
Tél : +226/66 02 02
Fax : +226/66 01 25 B.P. 291
Dori, Burkina Faso
E-mail : apess@fasoner.bf
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