Dans la société burkinabé toutes les traditions demeurent
vives. La femme idéale est celle soumise et ayant une
grande progéniture. Toute sa vie elle est sous tutelle
des mâles de sa famille d'origine puis celles de sa
famille par alliance.
Même dans la société burkinabé
dite moderne, le statut de la femme dite " évoluée"
est une mascarade voilant une triste réalité.
Tous sa vie, la femme est exposée
à de multiples violences. Le mariage forcé en est
une que nous vous présentons dans la présente étude.
Etant donné la diversité ethnique
et culturelle au Burkina Faso, il existe différents
types de mariages. Ces différentes types favorisent
et maintiennent des pratiques de mariage sans consentement.
L'individu appartient à trois (03) sociétés différentes
: l'ethnie, la nation et le religion. Pour être reconnu
par ces sociétés, il doit passer trois (03) mariages
différents. Le Burkinabé répond à cette norme. Il
est distingué trois (03) types de mariage célébrés
au Burkina Faso : le civil moderne, le religieux monothéiste
et le traditionnel ou coutumier.
- Le mariage civil moderne
est célébré en application au code des personnes
et de la famille depuis Août 1990. Ses conditions
de fond portent sur l'âge pour l'homme et la femme
et sur la liberté de consentement.
- Le mariage religieux monothéiste
englobe les mariages chrétiens et musulmans. Du
mariage chrétien, toute contrainte à contracter
une union est interdite. Pour le musulman, si le
Coran est explicite sur les conditions de mariage
force est de souligner les implications sociales
résultant de son interprétation.
- Le mariage traditionnel
ou coutumier conserve une importance indéniable
malgré sa signification originelle modifiée du fait
qu'il n'est pas seul à régler la situation des conflits.
Malgré tout, l'individu ne peut totalement s'en
passer. Il est constater que le mariage coutumier
joue un rôle d'intégration sociale des individus.
Il est "la contribution d'un contrat entre deux
(02) personnes de sexes différents créant entre
elles une société de vie, des droits et des devoirs
réciproques , et d'un contrat entre parentés, rendant
cette union opposable aux groupes, lui assurant
leur appui et légitimant les enfants".
Il en résulte l'établissement
d'un contrat entre deux (02)lignages qui l'emporte souvent
plus sur les consentements des individus. La présente
étude permet de présenter des formes de mariage traditionnel
dans des zones sociaux-culturelles du Burkina Faso.
Chez les Moosé (ethnie majoritaire
au Burkina Faso), en plus du droit détenu par l'aîné
ou le chef de famille de donner une fille en mariage
le buud-kasma, on distingue d'autres manières de se
procurer une femme. En effet, du " Pog- kûuni" ou
dotation des femmes à titre gratuit, de gratitude
ou à titre onéreux, du "Pog-siure" ou dotation avec
profit inaltérable, du "Zân -boko"ou dotation fortuite
ou encore du "Pog-rikré", la femmes est une objet
d'échange entre clans. Elle est donnée au plus offrant
à un mari qu'elle n'à pas choisi ou même qu'elle ne
connaît pas. Il en est de même chez les Peuhl à travers
"Cnapawal", chez les Gourmantché "O po paabu" , chez
les Bobo "Pri-dala", chez les Lobi "Tikoun ker", chez
les Dagara " Pouré poya deb", chez les dioula " Lamogoya
-furu". Dans tous ces cas, la femme est donnée dans
un soi-disant respect des traditions ; respect de
tradition par les hommes mais mariage forcé pour les
femmes. En effet, ce concept de mariage forcé s'insère
avant tout dans un système de valeurs sociaux-culturelles
de croyances profondes voire d'une mythologie. Des
traditionalistes aux conservateurs en passant par
les générations influencées et les jeunes, la terminologie
de mariage forcé connaît une justification selon les
contextes. En effet pour certains, ce don de femmes
est un héritage culturel qui a ses vertus d'entretenir
une cohésion sociale et de minimiser les dépravations
de mœurs chez les jeunes. Pour d'autres par contre,
ce don de femmes s'identifie à un mariage forcé étant
l'absence de consentement.
Depuis les indépendances, il
est constaté une régression du phénomène du mariage
forcé. Mais cette régression n'est qu'apparente car
il sévit toujours et continue à faire des victimes.
Dans un domaine sociologique aussi important, qui
touche à l'affectivité et à l'intimidé des individus,
il est délicat de faire une mise en évidence quantifiée
du phénomène. Toutefois, des plaintes comme l'abandon
de domicile conjugal, viols et séquestrations de personnes
ou encore enlèvement de mineurs …., ont toujours une
relation quelconque avec le mariage forcé. Ce sont
en fait des manifestations de refus et même de rejet
ressentis par la femme qui comprend qu'on annihile
sa volonté et qu'on la ravale au même tire qu'un objet,
au nom de cet honneur de l'ensemble. Mais les filles
qui se rebellent, connaissent le triste sort des pratiques
magico-religieuses. En effet, battues, forcées, violées,
bannies, ces jeunes filles finissent par devenir folles
et même par mourir du seul fait de leur refus de respecter
la volonté parentale. Leurs raisons profondes trouvent
ses fondements dans le clivage socioculturel, dans
l'argument économique, dans les alliances politiques.
Sous le vocable tradition,
se cachent de nombreuses façons de percevoir la vie
en communauté(règles, lois, habitudes, devoirs sociaux…).
Il ressort que trouver un conjoint à son enfant est
un devoir social pour chaque parent. De même les difficultés
liées à l'environnement économique actuel, la faiblesse
du pouvoir d'achat des populations sont autant de
raison qui emmènent des parents à marier leur fille
de force. L' histoire politique traditionnelle n'est
pas en reste. En effet, elle regorge d'exemples de
filles offertes par un chef à son homologue sous prétexte
d'établir la paix ou pire, utilisées comme des instruments
politiques. De cet état de fait, il en résulte des
conséquences aussi bien aux plans individuel et du
couple qu'au niveau de la société. Les conséquences
enregistrées sont à la défaveur surtout des femmes.
Elles sont socialement rejetées par leur clan et finissent
par être taxées de sorcellerie. Dans le moindre cas,
le mariage précoce est une conséquence du mariage
forcé. Mariées très jeunes, les filles conçoivent
très tôt et connaissent des problèmes de santé.
Au niveau du couple, on note
un non épanouissement de la femme qui subit les sévices
de son mari. Des enfants sont issus de cette union
et livrés à eux-mêmes. Dans le pire des cas, cela
se termine par le meurtre d'un des conjoints. Socialement
parlant, on assiste à la friction entre les familles,
à l 'exode rural des jeunes, à la prostitution, à
la délinquance, au crime etc.
Les responsables coutumiers
favorisent cette situation puisqu'ils en sont les
commanditaires. Il est toujours intimé à la jeune
fille de rejoindre son époux qu'elle le veuille ou
pas. Car sur elle, repose l'honneur de la famille,
être sans valeur apparente. Mais que fait la loi face
à de telles atrocités ? De son point de vue, le mariage
forcé est réputé n'avoir jamais existé. Parlant, leurs
interventions sont uniquement conciliatrices. La loi
n'intervient que lorsque le problème du mariage forcé
devient pénal. Face à l'échec de la juridiction, des
structures religieuses ont crée des centres d'accueil
pour les victimes du mariage forcé. Leur objectif
est d'inculquer à ces jeunes filles une formation
qui leur est utile pour l'avenir. Ces centres dans
bien des cas pour certains parents, sont le recours
qui les disculpe un peu, en attendant de trouver une
issue heureuse. Enrayer le mariage forcé est-il possible
? Force est de reconnaître que ce phénomène est fortement
encrée dans les mentalités surtout dans le milieu
rural. Il devient alors évident
que l 'enrayement du mariage forcé passe par la conjugaison
des efforts de tous les acteurs sociaux (responsables
coutumiers, victimes, associations féminines, autorités…).
Gagner un tel pari, serait montrer à la face du monde
que le mariage forcé- qui tantôt voilé, tantôt manifeste,
marque ses détracteurs à l'ombre d'un argument solide
tendant à le légitimer : celui de réserver la société
du célibat et du libertinage sexuel - n'est qu'une
forme de violence contre les femmes.
Réseau de Communication,
d'Information et de Formation des Femmes dans les
ONG au Burkina FASO ( RECIF/ ONG - BF)