Gestion
et restauration de différents types de pâturages
en zone Sahélienne |
SOMMAIRE
I- INTRODUCTION
II- QUELQUES TECHNIQUES DE RESTAURATION
ET DE REGERATION DU MILIEU NATUREL
1- LA MISE EN DEFENS
2- AUTRES TECHNIQUES DE RESTAURATION DU MILIEU
III-QUELQUES MESURES DE GESTION RATIONNELLES
DES PATURAGES
I- INTRODUCTION
Les pâturages sahéliens connaissent deux contraintes
fondamentales que sont la sécheresse et la surexploitation.
En effet, les travaux de TOUTAIN et DEWISPELAERE (1978) ont
fait ressortir l'état de dégradation parfois avancé de la
végétation naturelle dans les régions où la pression humaine
de même que la charge en bétail sont les plus fortes. D'autre
part la succession d'années particulièrement sèche depuis
1972 après des décennies de bonnes pluviométrie, a créé des
conditions naturelles très difficiles de survie et de régénération
pour les végétaux.
Les conséquences sont sensiblement les mêmes
pour toutes les formations, mais à des degrés différents suivant
la sensibilité de chacune d'elles. ainsi, on note :
-un appauvrissement de la flore ligneuse et herbacée et éventuellement
un changement de dominance au profit d'espèces particulièrement
adaptées aux conditions difficiles ;
-une diminution de la densité du tapis herbacé et de sa productivité,
suivie de l'apparition ou de l'extension de plage sans végétation
;
-une disparition du tapis herbacé suivie dans certains endroits
dune mortalité parfois spectaculaire et désolante des ligneux.
Au regard de ces contraintes, il s'en suit
une inadéquation entre les ressources disponibles et les besoins
du cheptel en progression arithmétique. Des mesures s'avèrent
donc nécessaire pour la satisfaction de ces besoin et la sauvegarde
de l'environnement.
Pour apprécier l'ampleur de la dégradation,
une actualisation des données existantes sur les pâturage
sahélien est un préalable. Ainsi, à défaut d'une couverture
de l'ensemble du Sahel, divers projet et structure de recherche
intervenant dans le domaine des ressources naturelles ont
mené des études ponctuelles et à l'échelle du terroir dans
des zones précises.
L'INERA pour sa part, a effectué des études
d'évaluation des potentialités pastorales sur les terroirs
de Katchari (province du Seno ), de Menegou (province de l'oudalan)
et de Touremba (province du Soum). Les résultats présentés
ici concernent les deux premiers terroirs.
La méthodologie a consisté en la combinaison
de deux approches parfaitement complémentaires : - la télédétection
à partir de l'image SPOTXS pour la stratification de la zone
d'étude ; - l'enquête phytoécologique de terrain pour la caractérisation
de l'état actuel de la végétation.
Unité
|
Type de sol
|
Recouvre- ment végétal (%)
|
Espèces dominantes
|
Valeur Pastoral
|
Productivité (kg de MS/ha)
|
Capacité de charge (ha/UBT/an)
|
Principaux problèmes rencontrés
|
Niveau de dégradation
|
Action possibles
|
Glacis pierreux gravillonnaire
|
Limono-sablo gravillonaire
|
10-25
|
Schoenefeldia gracilis cenchrus biflorus
Acacia raddiana
|
3-18
|
500
|
13
|
érosion hydrique
|
état 4
|
mise en défens de longue durée. intervention
mécanique et ensemencement
|
Glacis limoneux induré
|
limono sableux
|
0-1
|
Schoenefeldia gracilis
|
-
|
-
|
-
|
érosion hydrique croûte de battance
|
état 4
|
mise en défens de longue durée. Intervention
mécanique et ensemencement
|
Glacis limoneux
|
limono sableux
|
10-50
|
Schoenenefeldia gr. Panicum laetum
Acacia raddiana Balanites aegyptiaca
|
3-22
|
600
|
10.86
|
formation de ravines et de rigoles,
mortalité des ligneux
|
état 3
|
mise en défens de courte durée. accompagnée
ou non d'un travail du sol et ensemencement
|
Glacis sablo-limoneux
|
sablo
limoneux
|
45-70
|
Schoenenefeldia gracilis Aristida
adscecions Brachiaria distychophyl. Acacia raddiana
Balannites aegyptiaca Acacia laeta
|
30-35
|
1200
|
5.43
|
érosion hydrique et écolienne
|
état 2 et 3
|
protection contre les érosions par
la mise en place de système anti-érosifs (cordons pierreux.
diguettes. impluvium..)
|
ensablements
|
Sableux à sablo-limoneux
|
55-80
|
Eragrostis tremula Shoenefeldia gracilis
Alysicarpus ovalifocilis Balanites aegyptiaca Acacia
albida Ziziphus amauritiana
|
37-43
|
1500-2000
|
3.26-4.34
|
érosion hydrique et éolienne forte
pression des cultures
|
état 2
|
fertilisation et mise en place de
systèmes anti-érosifs
|
Dune
|
Sableux
|
60-80
|
Aristida sieberana Cenchrus biflorus
Digitaria horizontalis Leptadenia pyrotechnica Balanites
aegyptiaca Combretum glutinosum
|
30-50
|
1500-2000
|
3.26-4.34
|
Erosion éolienne
|
Etat 1 et 2
|
Fixation de la dune par la plantation
d'espèces pérennes (Andropogon gayanus)
|
Talweg et dépression
|
limono argilo sableux
|
75-90
|
Panicum latent Sporolus sp Schoenefeldia
gracilis Acacia seyal Acacia nilotica Combretum micranthum
|
20-40
|
1200-2000
|
3,26-5,43
|
Surexploitation, changement de dominance
des végétaux
|
Etat 1 et 2
|
Respect de la charge instantanée surtout
en période de croissance des herbacées, ensemencement
d'espèces caractéristiques en disparition. Respect des
modes d'émondage appropriés
|
Bas fond
|
argilo limono sableux
|
50
|
Dieteropogon hagelopii Sporobolus
sp Mitrgyna inrmis Balanites aegyptiaca Diospyros mespiliformis
|
20
|
2500
|
2,6
|
ensablement
|
Etat 1
|
Plantation dans les berges d'espèces
pérennes (Andropogon gayanus). Lutte contre l'émondage
inapproprié
|
mare
|
argileux
|
90-98
|
Echynochloa stagnia Oryza sp Cyperus
sp
|
79
|
5000
|
1,3
|
Tarissement, ensablement
|
Etat 1
|
Installation de brise vent dans les
berges
|
Etats de dégradation d'après TOUTAIN ET DEWISPELAERE
(1978)
- Etat 1 : bon état du tapis herbacé et de la strate ligneuse
;
- Etat 2 : début de dégradation ; tapis herbacé éclairci et
strate ligneuse stable ;
- Etat 3 : dégradation importante ; tapis herbacé discontinu
et mortalité de quelques ligneux ;
- Etat 4 : dégradation très avancée ; tapis herbacé très réduit
ou disparu et de nombreux ligneux morts ou disparus.
La pluviométrie moyenne annuelle enregistrée
sur 20 ans est de 415 mm à Dori et de 350 mm à Gorom-Gorom.
Les précipitations s'étalent de juin à septembre.
Sur le plan édaphique, trois grands ensembles sont à retenir
:
- les squelettiques superficiels qui couvrent 58,7 et 30,8
% respectivement du terroir de Katchari et de Menegou. Le
recouvrement herbacé est inférieur à 50 %et la productivité
est en moyenne de 500 kg / ha avec une fourchette de £ à 1000
kg de MS /ha. Ces zones présentent une instabilité qui associée
à l'exploitation intensive surtout en année sèche font évoluer
la végétation vers des faciès de dégradation.
- les sols des surfaces plus ou moins planes, profonds, sableux
à légèrement limoneux couvrent environ 35 % des deux terroirs.
Le tapis herbacé dense par endroit peut atteindre 75 % de
recouvrement avec une productivité de l'ordre de 1500 -2000
kg/ha de MS. Ces zones de bonnes potentialités sont exploitées
intensément pour les cultures.
- les sols sablo-argilo-limoneux des dépressions et bas-fonds
qui représentent environ 9 % du terroir de Katchari et 33
% de celui de Menegou sont les plus productive (1500-2500
kg / ha de MS). Très fortement exploitées surtout en saison
des pluies à cause de la disponibilité en eau et de la précocité
de l'herbe, ces zones connaissent le plus souvent une prolifération
d'espèces peu ou pas appétées, et parallèlement une baisse
de la contribution des espèces de bonne qualité fourragère.
La figure suivante donne une estimation du nombre de bovin
que différents types de pâturages peuvent supporter par an
et par hectare.
CAPACITE DE CHARGE /UNITE DE PARTURAGE
(ha / bovin / an)
GIPG : glacis pierreux gravillonnaires
GIL : glacis limoneux
GISL : glacis sablo-limoneux
ENS : ensablements
T Dep : talwegs et dépressions
Basf : bas-fond
Au regard des contraintes soulignées, des
actions particulières sont à entreprendre pour la restauration
et une exploitation judicieuse des parcours sahéliens. Il
a été démontré en effet que les écosystèmes sahéliens présentent
une grande plasticité et une réelle capacité de régénération.
Une bonne gestion peut déclencher une reconstitution et en
particulier la régénération d'espèces pastorales
II- QUELQUES TECHNIQUES DE RESTAURATION
ET DE REGERATION DU MILIEU NATUREL
1- LA MISE EN DEFENS
C'est la méthode la plus utilisée pour la
restauration du milieu naturel. Elle consiste à soustraire
la végétation de toute exploitation pendant un temps donné.
La technique courante est la confection de clôture grillagée
; d'autre techniques telles que la haie morte et la combinaison
haie morte-haie vive sont réalisables, mais nécessitent une
surveillance permanente. Des résultats souvent probants au
bout de deux ans de protection sont observés aussi bien au
niveau du tapis herbacé que de la strate ligneuse. Cependant,
cette capacité de régénération dépend des potentialités du
milieu (sol peu dégradé) et de la strate ligneuse. Ainsi,
dans certains cas l'effet de la sécheresse à été beaucoup
plus marqué celui des déséquilibres socio-économiques. La
durée de protection varie en fonction de l'état de dégradation.
Les effets constatés sont : - enrichissement
en espèces par l'apparition et l'extension de plantes rencontrées
dans des situations plus humides. - amélioration nette de
la production de graminées annuelles (2.5 à 3 fois supérieur
selon TOUTAN 1980). - régénération spectaculaire des ligneux
(en cas de présence d'adultes matures) surtout des espèces
peu tolérantes au bétail. Difficultés rencontrées - coût de
mise en place très prohibitif pour les producteurs, - en cas
de remise en exploitation, la durée efficace et suffisante
n'est pas encore clairement définie ; - la mise en repos doit
couvrir au moins deux saisons de pluies pour permettre la
constitution des semences. Pour des sols très dégradés, il
faut environ 5 ans. - elle nécessite une gestion stricte et
doit être organisée avec l'ensemble des utilisateurs des pâturages
de la zone concernée.
La mise en défens est souvent associée à un
travail préalable du sol, ce qui permet d'accélérer le processus
de régénération.
2- AUTRES TECHNIQUES DE RESTAURATION DU MILIEU
Elles consistent en un travail du sol pour
améliorer l'infiltration d'au (augmentation de la réserve
en eau du sol) et favoriser ainsi la reconstitution du couvert
végétal.
1-Le sous-solage : il consiste en un passage d'une sous-soleuse
travaillant à une profondeur de 25 à 60 voir 90 cm le long
des courbes de niveau. L'effet sur l'augmentation de la production
végétale herbacée est global et progressif de la 1ère à la
3e année où la végétation est plus abondante le long du passage
des dents. C'est un procédé satisfaisant quand bien même il
augmente l'hétérogénéité de la couverture herbacée.
2-Le hersage : c'est le passage d'une herse fortement chargée
dans le sens perpendiculaire à la pente. Il conduit à une
homogénéisation apparente du tapis herbacé, mais sans une
amélioration sensible de la production végétale totale. De
plus l'effet n'est pas prolongé (ne dure que l'année suivante
seulement). Il convient aux sols peu dégradés.
3-Le" zaï " : c'est une technique consistant à un ensemencement
de graines de ligneux ou de graminées dans des trous faits
par sous-solage croisé à la charrue. Il peut être accompagné
du paillage, ce qui améliore son efficacité.
4-Le paillage : il retient l'eau et diminue l'évaporation
; souvent associé au labour du sol. L'augmentation de la production
fourragère est conséquente.
5-Les diguettes anti-érosives disposées le long des courbes
de niveau et les impluviums en demi-lune disposé en quinconce
freinent le ruissellement de l'eau, retiennent le sol et les
graines, favorisant création d'un couvert végétal.
Ces techniques sont à adapter aux différents
types de sols en fonction du dégradation. Dans certains cas
elles doivent être combinées à un ensemencement pour permettre
une augmentation rapide du potentiel fourrager.
III-QUELQUES MESURES DE GESTION RATIONNELLES
DES PATURAGES
L'utilisation durable des ressources agro-pastorales
passe par une gestion raisonnée des parcours. Il est indispensable
de comprendre les systèmes d'exploitation actuels des parcours
afin de faire une proposition pour une organisation des producteurs
exploitant les mêmes parcours. Des actions doivent être menées
en synergie pour l'accroissement de la production animal et
la sauvegarde de l'environnement :
- Le respect de la capacité de charge des
différentes unités de pâturage ; éviter des charges instantanées
élevées surtout en période de croissance des plantes annuelles
;
- L'organisation de l'exploitation par des rotations entre
les types de parcours ; ce qui permettrait à la végétation
de se reconstituer entre deux séances de pâture ;
- L'ouverture de zones actuellement sous exploitées par la
levée des facteurs limitatifs (par exemple aménagement de
pointe d'eau, l'ouverture des pistes à bétail) ;
- La prévention de la dégradation par la mise en place de
système anti-érosifs (impluvium, cordon pierreux , diguettes..)
dans les zones les plus vulnérables ;
- La constitution de banque fourragère par la coupe et la
conversation de fourrages. Les foins de graminées sont souvent
d'une faible valeur nutritive car coupés le plus souvent tardivement
; pour l'amélioration de cette valeur nutritive ainsi que
celle de la paille de céréales (couramment stockée), le traitement
à l'urée devra être envisagé.
- La valorisation des cultures fourragères surtout d'espèces
locales bien appréciées (Alysicarpus ovalifolius. Andropogon
gayanus) dans les champs ou sur les parcours naturels. La
pratique devra être faite de sorte qu'elle n'entrave pas les
activités agricoles :pour Andropogon gayanus, faire les éclats
de souches au moment du démariage dans les espèces inter champs.
*pour Alysicarpus ovalifolius, faire le semis à la volée après
le premier sarclage. - La lutte contre l'émondage inappropriée
des arbres et la plantation d'arbres fourragers par l'aménagement
de pépinières villageoises ; une mention particulière devra
être accordée à l'espèce Pterocarpus lucens qui a beaucoup
souffert de la sécheresse et de l'exploitation intensive.
- La complémentation raisonnée de certains animaux (vaches
allaitantes et les animaux affaiblis) au moment adéquat.
- L'organisation des marchés à bétail pour le déstockage et
des organisations paysannes des animaux en années de mauvaises
pluviométries.
- La mise en place d'un système d'alerte précoce greffé à
celui sur les céréale, afin que les mesures urgentes puissent
être rapidement mises en place en cas de nécessité. Autres
travaux en cours dans le domaine de la gestion des pâturages
à l'IN.E.R.A.
- Contribution à la régénération des pâturages à (mise en
défens. Travail du sol. Ensemencement) ;
- Etude d'allocation des charges animales en fonction des
potentialités du milieu pour une gestion durable des ressources
naturelles.
- Corrélation entre le type de sol, la pluviométrie et la
capacité de charge, et variabilité inter annuelle de la production
primaire.
Source : Programme Production Animale-
INERA - Burkina Faso O.H. SANON
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